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À La Une - Ces jeunes Libanais de la diaspora qui font parler d'eux

Sébastien Bertrand redécouvre ses racines, l’accordéon sous le bras

Adopté à un mois, élevé dans le Marais vendéen…

Sébastien Bertrand, un jeune Libanais de la diaspora engagé dans une belle carrière d'artiste. Crédit Photo : André CURMI

Le 12 janvier 2012 restera comme une belle date dans la vie de Sébastien Bertrand. Ce jour-là, le jeune homme est allé à la Sûreté générale, à Beyrouth, récupérer son passeport libanais. Le premier. Un passeport au nom de Vincent Bouchara. Vincent avait été, comme beaucoup de bébés de sexe masculin, abandonné à la crèche St Vincent de Paul à Achrafieh. Bouchara comme "bonne nouvelle". Un nom d’emprunt.

 

Relativement trapu, les cheveux bruns et frisés, Sébastien Bertrand ne dépareille pas dans les rues de Beyrouth, ville où il est né en 1973, mais qu’il a quittée neuf mois seulement après sa naissance pour rejoindre la terre plate gagnée sur la mer du Marais vendéen, en France.

 

Sa mère adoptive est infirmière, son père ethnologue. Sa nouvelle famille, les Bertrand, est pétrie de culture et de traditions locales. Enfant, Sébastien parcourt la région avec son père pour recueillir la parole des aînés. "J’ai tout de suite embrassé la culture maraichine", explique-t-il. A sept ans, le jeune garçon participe à un week-end découverte sur les musiques traditionnelles. "J’ai essayé l’accordéon diatonique et j’ai eu un coup de foudre amoureux pour l’instrument", se souvient Sébastien, 39 ans. L’accordéon devient son compagnon de route. Avec lui, il parcourt le grand Ouest français et devient un chantre de la culture locale jusqu’à se faire un nom sur la scène traditionnelle hexagonale.

 

Sébastien a toujours su ses origines libanaises, mais dans sa tête et pour tous, il est maraichin. Longtemps, pour lui, le Liban n’était que synonyme de guerre. Une raison pour laquelle il avait été abandonné, avait-il décrété.

 

Le déclic a eu lieu en 2007. Cette année-là, Yannick Jaulin, un ami conteur et comédien, l’invite à assister à une pièce de théâtre dans laquelle il joue. Sébastien y va, comme on irait à un match de foot. Il ressort de la représentation totalement chamboulé. Il vient de voir "Forêt", une pièce du Libano-canadien Wajdi Moawad sur la quête des origines. "Cette quête pourrait être la mienne". La phrase ne cesse de résonner dans sa tête. Quelques semaines plus tard, Sébastien rencontre Wajdi Moawad. Une porte s’est ouverte, "elle ne se refermera plus". Le fils de Jean-Pierre Bertrand, le collecteur de mémoire maraichine, vient de redécouvrir ses racines libanaises.

 

Trois mois après la pièce de théâtre, l’ami de Sébastien, Yannick Jaulin est invité au Liban par le conteur Jihad Darwiche et l’homme de théâtre Paul Matar. Le conteur s’envole pour Beyrouth avec, dans ses bagages, Sébastien.

Nous sommes en 2008, le jeune homme à 35 ans, et il est prêt à découvrir le pays de ses parents biologiques. "Ces 10 jours de voyage ont été exceptionnels", se souvient-il. Il retrouve l’orphelinat Saint Vincent et Sœur Josèphe, qui l’avait accueilli en 1973. La religieuse lui apprend qu’il n’est pas un enfant de la guerre mais plutôt de l’amour. Peut-être d’un amour interdit.

 

Sébastien retourne en France. Le pays est en proie au grand débat sur l’identité nationale. Le musicien se pose des questions sur la sienne. "Dès mon retour, j’ai eu une vraie prise de conscience de mon histoire". De ses interrogations nait "Chemin de la belle étoile", un spectacle écrit à quatre mains avec Yannick Jaulin, le parrain de ses retrouvailles libanaises, et joué en 2009 au festival d’Avignon. Année où l’invité d’honneur n’est autre que Wajdi Moawad. Encore un signe.

"Chemin de la belle étoile", du nom de la rue de Saint Jean de Monts en Vendée où il grandit, sera joué au théâtre Monnot en 2010. Un théâtre qui devient sa "maison", Paul Mattar, le directeur, son "père", et Ziad Halwani, l’administrateur du théâtre, son "frère". Plus tard suivra "Nahas Project", du nom cette fois de la rue de l’orphelinat Saint Vincent à Beyrouth, une formation musicale née de la rencontre avec le joueur de oud Oussama Abdel Fattah, spécialiste de la tradition musicale arabo-orientale. Lorsque des jeunes se mettent à danser la traditionnelle dabké sur une mélodie maraichine lors du concert du groupe à Zouk Mikhaël l’été dernier, Sébastien est aux anges.

Depuis 2008, les voyages au Liban s’enchaînent, les rencontres se multiplient, les projets foisonnent. A chaque séjour, Sébastien Bertrand découvre un peu plus de la culture libanaise.

 

Début janvier, le musicien est revenu à Beyrouth pour une collaboration avec le DJ libanais Saïd Mrad, qui arrange des airs traditionnels pour les boites de nuit. Mrad doit remixer une musique maraichine pour un festival en France dans quelques mois. L’accordéoniste Sébastien Bertrand/Vincent Bouchara est heureux : "J’ai retrouvé cette terre. Ça m’a remis debout, alors qu’avant je marchais de travers. Je peux maintenant regarder ces deux histoires sans les mettre en confrontation".


Le 12 janvier 2012 restera comme une belle date dans la vie de Sébastien Bertrand. Ce jour-là, le jeune homme est allé à la Sûreté générale, à Beyrouth, récupérer son passeport libanais. Le premier. Un passeport au nom de Vincent Bouchara. Vincent avait été, comme beaucoup de bébés de sexe masculin, abandonné à la crèche St Vincent de Paul à Achrafieh. Bouchara comme "bonne...

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