Cherche nouveaux bureaux. Selon des officiels arabes cités par le Wall Street Journal, le Hamas serait en quête d’un nouveau pays hôte pour accueillir son leadership politique, alors que le Qatar a dit la semaine dernière « réévaluer » son rôle d’intermédiaire dans les négociations qui piétinent entre le mouvement islamiste et Israël. Une information démentie plus tard par le groupe palestinien, malgré la pression croissante exercée par le petit émirat gazier et par l’Égypte, autre médiateur du dossier, pour conclure une trêve accompagnée d’un échange d’otages et de prisonniers, après plus de six mois de guerre à Gaza. Reste que le Qatar a déjà menacé le Hamas d’expulsion si les pourparlers bloquaient. Quelles seraient alors les options du mouvement islamiste pour relocaliser sa branche politique ?
Turquie
La branche politique du Hamas, issu des Frères musulmans, avait déjà un pied dans le pays avant le début de la guerre, alors que nombre de ses dirigeants y avaient une résidence. Présent à Istanbul lors de l’opération Déluge d’al-Aqsa, son chef Ismaïl Haniyé aurait néanmoins été « poliment » prié de quitter le pays avec son entourage, selon des sources citées par al-Monitor. Ankara craignait d’être accusé de protéger le mouvement islamiste après l’attaque sanglante du 7 octobre 2023, alors que le pouvoir turc avait pris soin de s’éloigner ces dernières années des Frères musulmans en vue de se rapprocher notamment des pays du Golfe et de l’Égypte. L’information a par la suite été démentie par une source du gouvernement turc auprès du journal israélien Times of Israel.
Ismaïl Haniyé s’est rendu en Turquie samedi pour y rencontrer le président Recep Tayyip Erdogan, afin de discuter notamment de la situation à Gaza ou encore de la réconciliation interpalestinienne. Quelques jours plus tôt, le chef de la diplomatie turque, Hakan Fidan, avait déclaré à la suite d’une rencontre avec le chef politique du Hamas à Doha que ce dernier était prêt à se dissocier de sa branche militaire si un État palestinien était créé dans les frontières de 1967. Aurait-il été question dans ces discussions de l’ouverture d’un bureau politique du Hamas en Turquie ? Aucune information en ce sens n’a pour l’instant filtré, bien que l’option turque soit envisageable.
Le président turc ayant maintenu des relations économiques avec Israël depuis le début de la guerre malgré les critiques fermes à l’encontre du gouvernement de Benjamin Netanyahu, l’État hébreu pourrait s’abstenir de conduire des assassinats ciblés dans le pays en cas de relocalisation. Si des critiques ont été émises par des élus américains sur le rôle du Qatar dans les négociations sur Gaza, la Maison-Blanche pourrait par ailleurs trouver gênant de changer de partenaire, Ankara entretenant de bonnes relations avec la Russie et se montrant plus retors que Doha, bien que membre de l’Alliance atlantique. Allié majeur non membre de l’OTAN des États-Unis depuis mars 2022, le Qatar soutient en outre que c’est à la demande de Washington qu’il accueille le bureau politique du Hamas depuis 2012, pour permettre une communication discrète avec le mouvement, placé sur la liste américaine des organisations terroristes.
Oman
Mascate aurait été l’un des deux pays contactés par le Hamas pour accueillir sa branche politique, selon un responsable arabe cité par le Wall Street Journal. Le sultanat est un médiateur discret dans la région, qui entretient également des relations avec les États-Unis et l’Iran, mais pas officiellement avec Israël, en accord avec l’initiative de paix arabe de 2002. À l’instar du Qatar, Mascate entretient pourtant des contacts informels avec l’État hébreu depuis des décennies, ayant même reçu le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu en 2018, lors d’une visite surprise au cours de son précédent mandat, deux ans avant la signature des accords d’Abraham. Si le bureau commercial ouvert par Israël dans les années 1990 avait été fermé en 2000 face à la violente répression de la seconde intifada, une représentation de l’État hébreu a rouvert dans le pays peu après le déplacement du chef de l’exécutif.
Oman marche cependant sur la corde raide, alors que sa population est largement propalestinienne. En décembre 2022, alors que le sultanat venait d’ouvrir son espace aérien aux vols israéliens, le régime avait soutenu une proposition d’amendement législatif visant à élargir au sport, à la culture et à l’économie les domaines dans lesquels toute relation avec des Israéliens était interdite. Tout en faisant passer des messages de Washington à Téhéran, Mascate a vivement critiqué les frappes imputées à Israël qui ont visé la ville iranienne d’Ispahan, dans le centre du pays, le 19 avril. Si l’État hébreu, qui a juré qu’il éliminerait entièrement le Hamas, pourrait éviter de cibler ses représentants à Oman afin de ne pas contrarier les pays du Golfe avec lesquels il espère maintenir ou normaliser ses relations, Washington, dont Mascate dépend pour sa sécurité, pourrait trouver son compte dans une relocalisation dans le sultanat. Dans une configuration similaire à celle du Qatar, difficile pourtant de voir quel serait l’avantage comparatif d’Oman, qui ne dispose ni des années d’expérience de l’émirat gazier sur ce dossier ni de ses ressources à injecter dans les territoires palestiniens.
Algérie
Le pays d’Afrique du Nord a été évoqué pour la première fois en décembre 2023 dans le plan d’un think tank saoudien révélé par le journal français Le Monde qui visait à évacuer les « dirigeants militaires et sécuritaires du Hamas » de Gaza. Alger est alors cité comme une possible destination pour les commandants de la branche armée du mouvement, traqués par Israël dans l’enclave palestinienne, pour ses bonnes relations avec le Qatar et l’Iran, tandis qu’il n’était à ce moment-là pas question de déplacer le bureau politique du Hamas. Mais aussi pour sa « capacité sécuritaire », le pays étant considéré comme étant en mesure de « contrôler les activités de ces dirigeants ».
Fort de son lien historique avec la Palestine, alors que Yasser Arafat a annoncé depuis Alger sa déclaration d’indépendance de l’État palestinien en novembre 1988, le pays est surtout proche de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), en poste à Ramallah. En octobre 2022, Alger avait néanmoins accueilli des pourparlers de réconciliation qui avaient abouti à la signature d’un accord entre une quinzaine de factions palestiniennes, dont le Fateh et le Hamas, pour la tenue d’élections. Une promesse qui ne s’est toujours pas concrétisée. Face au consensus populaire et politique qui règne en Algérie contre la politique israélienne et contre toute normalisation, l’élection présidentielle qui a été avancée à septembre pourrait inciter le pouvoir de Abdelmadjid Tebboune à se forger une place de choix dans le dossier palestinien. Alger a ainsi présenté en février une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU pour exiger « un cessez-le-feu humanitaire immédiat » à Gaza, bloquée par un veto américain. Si les pays arabes pourraient y voir une option viable, les Occidentaux auraient probablement du mal à se reposer sur un partenaire proche de Moscou.
Liban ou Iran
Si le Hamas venait à relocaliser son bureau politique dans un pays de « l’axe de la résistance » piloté par Téhéran, la coordination avec ses partenaires du Hezbollah et des gardiens de la révolution serait certes facilitée. Mais cela empêcherait sans doute d’ouvrir des canaux de communication avec les Occidentaux, et notamment les Américains, essentiels pour obtenir des concessions de la part des Israéliens. Alors que son but est de se poser en seul représentant légitime de la Palestine, le groupe islamiste aurait alors du mal à s’imposer. D’autant que c’est la branche militaire qui est la plus proche de l’Iran et de ses affidés régionaux, dont le bureau politique envisagerait de se dissocier si un État palestinien était créé. Les États-Unis feront probablement tout pour éviter ce scénario, poussant le Qatar à continuer de jouer son rôle de médiateur dans le dossier malgré les critiques qu’il a dû essuyer. Déjà dimanche, Benjamin Netanyahu aurait déclaré qu’aucun autre pays n’était capable d’arracher un accord sur Gaza, a rapporté la chaîne qatarie al-Jazeera, dans le viseur du gouvernement israélien, alors que le Premier ministre et d’autres officiels avaient critiqué la position de Doha.
commentaires (9)
Le Hamas devrait se reloger à côté de leur maître dans le même bunker. Comme ça on est sûr que tous les semeurs de terreur seront éliminés ensembles. Cela rassurerait les Palestine’s et les libanais pour pouvoir négocier la paix sans écoulement de sang ni surenchère de fanfaronnades pendant que les innocents meurent pour sauver leur égo.
Sissi zayyat
21 h 05, le 24 avril 2024